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L’Afrique Peut Produire la Nourriture dont Elle a Besoin

January 15, 2013
Source
EurActiv

Le nombre de personnes qui souffrent de la famine dans les pays les plus pauvres d’Afrique augmente malgré les avancées dans la production alimentaire, indiquent des chercheurs d’Oxfam. Ils exhortent les donateurs européens et les gouvernements africains à investir davantage dans de petites exploitations agricoles et à inclure la population rurale dans le processus de prise de décision. 

Un nouveau rapport de l'association mondiale de lutte contre la pauvreté indique que plus de 230 millions de personnes, soit un Africain sur quatre qui habite dans le sud du Sahara, sont sous-alimentées. Il s'agit d'une augmentation de plus de 38 % par rapport à il y a 20 ans.

Même si Oxfam fait état d’améliorations notables dans les ressources alimentaires et la santé nutritionnelle dans plusieurs pays d'Afrique, l'organisation souligne que l'accès aux terres et le sous-investissement dans le secteur agricole maintiennent trop de personnes dans des conditions de pauvreté extrême.

Les conclusions du rapport sont largement soutenues par des organisations internationales préoccupées par la sécurité alimentaire sur un continent à croissance rapide. L'organe de recherche de la Commission européenne, par exemple, publiera bientôt un atlas qui révèlera que la dégradation de la terre et du sol menace la production alimentaire en Afrique.

« Une place de premier plan devrait être davantage accordée au secteur agricole parce que c'est là que la majorité des personnes vivent [...] et obtiennent un salaire », a déclaré Ricardo Fuentes-Nieva, le directeur de l'équipe de recherche d'Oxfam en Grande‑Bretagne. « Dès que vous augmentez leurs revenus, ils amélioreront la situation de leur sécurité alimentaire. »

M. Fuentes-Nieva affirme que l'Afrique peut produire la nourriture dont elle a besoin pour réduire la faim et améliorer la nutrition, si le secteur agricole reçoit l'aide appropriée grâce à des politiques nationales et internationales.

Accès au marché

Des études ont toutefois révélé que le sous-investissement dans la recherche, la formation, l’irrigation et le stockage, entravait la productivité agricole sur le sous-continent africain. Des routes en mauvais état signifient que les agriculteurs ne peuvent pas vendre leurs produits sur les marchés, ce qui nuit à la lutte contre la faim et aux moyens d'existence des producteurs.

Quelque 4,9 % des 100 milliards d'euros de l'aide mondiale au développement ont été alloués au soutien de la production agricole en 2011, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques.

Dans un rapport publié le mois dernier, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a demandé d’accroître les investissements agricoles dans les pays en développement afin de créer des emplois et de nourrir la population subsaharienne, qui devrait passer de 860 millions aujourd'hui à près de 2 milliards d'ici 2050.

La FAO souligne que la production agricole moyenne mondiale a chuté depuis les années 1960. Elle ajoute que les menaces contre la qualité des terres et de l'eaudouce pourraient annuler davantage les progrès réalisés dans la production agricole.

Quelque 850 millions des 7 milliards de personnes dans le monde souffrent de la faim,selon des chiffres des Nations unies. Sur le sous-continent africain, 31 % des personnes sont sous-alimentées, comparés à 29 % au début du siècle.

Examen des menaces contre le sol

Des chercheurs du Centre commun de recherche (CCR) de la Commission européenne indiquent que la dégradation des terres en Afrique subsaharienne nuit à la capacité de la région à nourrir sa population grandissante. Le CCR prépare un atlas des sols, semblable à celui déjà publié sur l'Europe, afin de faire la lumière sur les défis posés par la productivité des terres.

Même si la diversité de l'écosystème africain est riche, seuls 10 % du continent disposent de sols naturellement fertiles pour implanter des cultures vivrières. De mauvaises pratiques de gestion menacent toutefois ces zones.

« Le sol et la terre sont absolument indispensables à la sécurité alimentaire, au bien-être, à la réduction de la pauvreté et à tous les autres objectifs de développement durable », a déclaré Alan Belward de l'Institut de l'environnement et du développement durable du CCR à Ispra, en Italie.

Il ne s'agit pas que d'un problème africain, l'Europe perd des terres fertiles à cause de l'étalement urbain. « Nous prenons des sols très fertiles et ensuite nous construisons un nouveau parking, une nouvelle route ou un nouveau quartier résidentiel dessus. Il ne s'agit pas d'une utilisation adéquate [des terres] », a indiqué M. Belward, membre de l'équipe qui a conçu l'atlas africain des sols.

Son collègue Arwyn Jones, un autre chercheur du CCR, a déclaré que l'érosion, les mauvaises méthodes agricoles, le défrichement et le déclin des terres forestières en Afrique « emportaient le sol [et provoquaient] une pollution et une accumulation de sel dans les terres irriguées. »

Utilisation de l’exportation

Dans le même temps, des chercheurs craignent que de plus en plus de terres africaines soient utilisées pour la production de cultures destinées à l’exportation et non à la consommation locale.

Des investisseurs d'Asie, d'Europe et du Moyen-Orient exploitent les terres et la main-d'oeuvre bon marché de l'Afrique afin de compléter leur propre production de matières premières tout en offrant aux gouvernements des pays pauvres des recettes lucratives d'exportation. L'UE absorbe à elle seule 40 % des exportations agricoles de l'Afrique subsaharienne.

L'Oakland Institute, un groupe de réflexion basé en Californie, estime que des terres africaines de la taille de la France ont été louées ou vendues à des gouvernements étrangers ou à des investisseurs depuis 2008 pour exporter des matières premières et du biocarburant. L'institut souligne que « le déplacement et les moyens de subsistance affectés deviennent des sources sérieuses d'inquiétude internationale ».

Certains gouvernements africains qui comptaient sur des investisseurs pour créer des emplois et des revenus ont reconnu que les transactions foncières nuisaient aux petits agriculteurs en les éloignant des terres fertiles ou en minant leurs réserves d'eau. Dès janvier 2013, la Tanzanie a réduit la quantité de terres que les investisseurs étrangers peuvent louer. Plusieurs autres gouvernements africains sont en train de revoir leurs politiques de location de terres agricoles.

M. Fuentes-Nieva prépare un rapport d'Oxfam à venir sur l'appropriation de terrain par des étrangers. Il a indiqué que la faible gouvernance en Afrique était partiellement responsable des locations de terres et des investissements inadaptés dans l'agriculture, malgré le rôle important de l'agriculture dans l’emploi rural et la croissance économique.

« La tendance à long terme était la négligence du secteur agricole et l'explication que nous avons trouvée est assez ancienne, mais toujours vraie : les gouvernements nationaux répondaient aux intérêts des groupes urbains, les plus proches du gouvernement, ceux qui y avaient une voix », a-t-il ajouté.

« Et le secteur rural n'était pratiquement pas représenté dans le processus de prise de décision. »